lundi 15 avril 2024

Nouvelle 1

 

Il calculait, il calculait, il ne faisait que ça, tout le temps, partout. C’était vraiment maladif. Elle le regardait faire, dire, penser, tantôt avec compassion, tantôt avec agacement. Quand elle était agacée, sa compassion virait rapidement à la pitié ou au mépris. On avait du mal à comprendre ce qu’ils faisaient ensemble ces deux-là. De quel étrange hasard était née leur improbable rencontre. Et, surtout, comment ils arrivaient à partager le même espace. 

Elle traversait la vie de son pas élastique sans trop se préoccuper de ce qui pouvait se trouver sur son chemin. Quand ils s’insupportaient au-delà de ce qui était tolérable, il partait s’enfermer dans son atelier et ne parlait plus tandis qu’elle lançait « je pars faire un tour » et revenait plusieurs jours après. Elle était alors de joyeuse humeur. Ils reprenaient leur vie là où ils l’avaient laissée. Personne ne posait de question. 

Un jour, elle ne revint pas. Ou alors n’était-elle jamais partie. L'homme ne retournait plus dans son atelier. Il passait ses journées devant la télévision et ne mesurait plus rien, pas même sa consommation d’alcool. On ne sait pas s’il cherchait à s’abrutir ou à masquer le silence de sa solitude. Ce sont les voisins qui ont appelé la police. L’odeur avait traversé les murs. 

 (texte d'atelier - mars 2016)

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