jeudi 12 février 2009

Lui

Il y a le fleuve. Il coule. Lui est débout, à côté de moi. Je le regarde. Il ne dit rien. Il regarde au loin. Là où le fleuve se perd dans la vallée, en amont.

J’aurais voulu lui prendre la main. Je ne l’ai jamais fait. Tant de fois j’ai rêvé de cette main toute proche dont je ne connais même pas la sensation sur ma peau. Mais je l’ai regardée. C’est une main qui écrit, une main qui rêve. C’est une main fine, pâle et triste.

Nous marchons le long du fleuve. Le soleil de cette fin d’hiver nous remplit de lumière. Il se tait. Je me tais aussi. Il a besoin de marcher. Il ne sait pas que je me raconte une histoire.

Je me raconte l’histoire de notre amour qui n’existe pas.

Car, au lieu de nous quitter sans mot dire, dans un baiser distant, nous rentrons chez lui. La porte fermée, ses mains s’animent et me cherchent, sous mes vêtements. Sa bouche me prend, fiévreuse, gourmande. Et je m’offre à debout à ses caresses, à peine déshabillée, les joues encore glacées par le vent du fleuve. Dans la chambre, enfin, nos corps nus s’embrasent de s’être trop désirés. Il y a le fleuve. Il coule. Entre les berges de nos corps apaisés. Et le sommeil viendra, lentement.

Mais il rentre tout seul. Seul encore de n’avoir pas osé. Pas voulu. Trop pensé. Ce ne sera pas demain, ni plus tard, ni jamais. Nous resterons ainsi, proches et lointains à la fois dans un silence symétrique.

Je rentre seule aussi. J’ai cessé depuis longtemps de pleurer le manque de lui. Il a voulu m’éloigner, souvent. Je suis partie pour ne pas avoir mal. Je suis revenue, toujours. Si ma vie est ailleurs, mon amour est intact.

Mais il me semble voir encore, très loin, tout au fond de ses yeux, une vague lueur, une fugitive tendresse dans laquelle je me perds un instant, rêveuse, encore, de ce qui n’a pas été. Et ne sera jamais.