dimanche 20 avril 2008

Enivrez-vous

S. Dali - Montre molle au moment de sa première explosion


Il faut être toujours ivre.
Tout est là:
c'est l'unique question.
Pour ne pas sentir
l'horrible fardeau du Temps
qui brise vos épaules
et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi?
De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise.
Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois,
sur les marches d'un palais,
sur l'herbe verte d'un fossé,
dans la solitude morne de votre chambre,
vous vous réveillez,
l'ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent,
à la vague,
à l'étoile,
à l'oiseau,
à l'horloge,
à tout ce qui fuit,
à tout ce qui gémit,
à tout ce qui roule,
à tout ce qui chante,
à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est;
et le vent,
la vague,
l'étoile,
l'oiseau,
l'horloge,
vous répondront:
"Il est l'heure de s'enivrer!
Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps,
enivrez-vous;
enivrez-vous sans cesse!
De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."

Charles Baudelaire

jeudi 17 avril 2008

Une parole entendue...

la plus belle arche et qui est un jet de sang
la plus belle arche et qui est un cerne lilas
la plus belle arche et qui s'appelle la nuit
et la beauté anarchiste de tes bras mis en croix
et la beauté eucharistique qui flambe de ton sexe
au nom duquel je saluais le barrage de mes
lèvres violentes

Aimé Césaire
25 juin 1913 - 17 avril 2008


"Aimé Césaire est un Noir qui est non seulement un Noir; mais tout l'homme, qui en exprime toutes les interrogations, toutes les angoisses, tous les espoirs et toutes les extases, et qui s'imposera de plus en plus à moi comme le prototype de la dignité"

André Breton

dimanche 13 avril 2008

Mon Expo 58 à moi...

Je voudrais me tenir à l'écart de toutes ces manifestations commémoratives des 50 ans de l'Expo 58. Elles sont tellement éloignées de mes souvenirs d'enfance. Est-ce transmissible? Nous avons fait tant de fois le tour du monde pendant ces six mois d'expo.

Laterna Magika - photo Josef Svoboda - 1958

En pleine guerre froide, nous avons découvert la Laterna Magika au pavillon tchèque.
L'adulte que je suis a su entre-temps que, dans cette équipe de mise en scène, se trouvait un jeune homme nommé Milos Forman.

Il y avait aussi les marionnettes de Trnka. J'avais de la chance. Mes parents avaient fait leur voyage de noce à Prague en 1952. Ils avaient un faible pour cette ville et nous avons donc passé beaucoup de temps au pavillon tchèque. Ils avaient aussi, mon père surtout, une sympathie particulière pour les artistes subversifs de l'Est comme pour les démocraties nordiques.

La Main - Jiri Trnka - 1965

J'ai vu aussi une réplique du Spoutnik II, ce vaisseau dans lequel on avait envoyé la pauvre Laïka, morte asphyxiée en orbite terrestre en août 58.

Dans genre différent, il y avait aussi cette visite d'une "banane volante". Je n'ai jamais compris la spécificité de cet engin tant utilisé à l'époque, notamment dans la guerre d'Algérie. Mes yeux d'enfant retiennent que c'était un super hélico, encore plus impressionnant que les Sikorsky de l'Allée Verte et qui faisait encore plus de bruit puisqu'il avait deux rotors au lieu d'un...

Plaine de jeux, cheval Bayard et télésiège au dessus des pièces d'eau, étoiles lumineuses et Atomium bien sûr... Tout cela était comme un conte de fée.


Mais ce n'était rien à côté de la Belgique miniature en dessous de la passerelle de la flèche du génie civil. Il fallait que j'y retourne à chaque fois. Du haut de mes 3 ans 1/2, je repérais avec mon père le parcours de l'autostrade qui menait à la mer.


Des années après la fermeture de l'Expo j'y retournais encore, assistant impuissante à sa lente disparition, jusqu'à la destruction de la flèche dans les années 70.

samedi 12 avril 2008

La porte entrebaillée



Je m'appuie
J'ai envie
Ne pas avoir peur
Devant toi
Etre nue
Vraiment moi
L'enfance, la blessure
Toi qui paie
T'as rien fait
Pour ça

Ouvrir
Vivre
Respirer
Oser
La vie
Et le temps presse

Ivresse
Oubli
Envie
De toi, pour toi
Pour nous
Pour moi

Reste
J'ai peur
Toi aussi, je sais

Mais
Mon frère
Mon enfant

A deux
On est plus fort
Que tout seul

C'est bête
Je t'aime
J'y peux rien.

Un petit coin d'enfance...


Il y a 50 ans, tout le monde se préparait à cet immense événement de l'après-guerre qu'était l'ouverture de l'Expo 58. Pendant qu'on construisait là-bas, on détruisait la ville. Mais à l'époque, je ne le savais pas encore.



Comme tous les samedis, je passais sur le viaduc et je regardais fascinée les Sikorsky de la Sabena stationner et même, si j'avais un peu de chance, décoller ou atterrir sur l'héliport de l'Allée Verte, en face de chez Citroën. Quelle chance aussi que mon père ait choisi cette marque de voiture. J'avais ainsi d'autres occasion de voir ces hélicoptères qui me fascinaient tant au point que j'en rêvais la nuit.



Nous allions à la mer, chez mes grands parents, empruntant cette nouvelle autostrade qui soulageait mon mal des transports mais me privait de mes repères habituels, comme cette belle petite ville d'Eeklo que nous traversions autrefois par "l'ancienne route" qui prenait tellement plus de temps.

Il y avait à Eeklo une façade ou un pignon de bâtiment avec, si je me souviens bien, des statues d'anges. C'était curieux et fascinant pour la toute petite fille que j'étais. Je n'ai pas retrouvé de trace de ce lieu depuis.

A l'époque, mes parents allaient me chercher à l'école le samedi midi et j'embarquais dans la deux chevaux familiale pour des heures de trajet et un court week-end à la mer auprès de ma grand-mère dont la gaité a éclairé mon enfance.