(…) O fleur sauvage, jeune fille,
Pain du coeur, grâce céréale
Des blés aux yeux bleuets,
Et des prés au front camomille,
J'invente pour toi des noms-épithètes :
" Jambes-herbes, fleurs-fêtes,
Rire-coquelicot."
Marie Gevers - L'enfant d'avril
Elle. Une étoile qui danse. L'enfant qui la regarde. L'enfant est une petite fille. Solitaire et triste. On lui a
désappris la joie. On ne lui a pas appris à grandir. On lui a appris à rêver, ça oui. L'étoile a aimé la petite
fille. Elle lui a appris à danser. Elle lui a appris le ciel. Mais la petite fille est un grain de sable pour
l'étoile.
Elle est partie. Loin. L'enfant ne l'a plus vue. Ou c'est elle. De toutes façons, l'enfant n'était pas prête. Et
maintenant qu'elle l'est, il est trop tard. Le temps s'égare. Elle sait qu'il va la rattraper. Un jour. Si c'est
n'est pas déjà fait. C'est inéluctable. L'enfant hait l'inéluctable. Elle hait le destin, le certain, le contraint,
la fin, les lendemains qui pleurent ou qui se taisent...
Elle est là tout près et l'enfant ne sait qu'en faire, de sa présence. Elle est là, ou c'est l'enfant. Sa soeur,
son miroir. Sa semblable. Son contraire. Ivresse de l'ombre qui se noie. Tempête dans un verre d'eau.
L'enfant reste dans l'ombre. L'ombre est confortable.
L'enfant ne deviendra pas femme ou alors seulement pour elle-même. Elle deviendra mère de deux fils
qui lui ressemblent et qui grandiront. L'amour, le vrai, c'est celui-là. Celui qui donne du sens et de la
force. L'amour qui rayonne, l'amour tendresse. L'amour dont on parle souvent, elle y a cru, parce qu'on lui a fait croire. Mais elle a cessé d'y croire il y a longtemps. Pas faute pourtant d'avoir essayé. Mais à l'étoile, elle croit encore. Elle la cherche parfois
quand l'ombre s'étend.
La plume court. Je ne dors pas. Une lune ovale trace les contours de la fenêtre. Dans ma tête, il y a le
coq et l'âne, pour sauter de l'un à l'autre. Et les moutons à compter. Mais ça ne marche pas. Il y a ma
chatte ronfle. Il y a le temps qui passe et le matin qui n'est plus très loin. Et le sommeil qui vient, enfin.
Pour quelques heures.
La nuit s'est effacée. Le printemps est là, insolent, qui me nargue. Il bourdonne, éclate, jubile et coasse
quand tout est silencieux. Quelques hirondelles sont venues en éclaireuses. Elles sont discrètes. La
tiédeur s'efface sous le froid de la nuit. La terre est sèche. Seul le givre du matin fondu en rosée
l'abreuve encore. Le bleu du ciel est laiteux, timide. Les grenouilles n'ont pas dormi. Ou alors à tour de
rôle. Les poules s'agitent dans leur cabane alors que je traine au lit. Loulou, le coq, chante par intervalle.
Il va falloir fermer pour quelques heures la porte du rêve.
Saint-Pierre de Maillé - avril 2023